Après 24 heures de voyage Paris-Nice-Djeddah-Rhiyad-Islamabad et une nuit blanche nous arrivons enfin à Rawalpindi en début de matinée ; nous sommes attendus par le responsable de l'agence et le reste du groupe déjà installé. Après les formalités administratives puis après un rapide déjeuner nous embarquons dans deux minibus. Les véhicules s'engagent sur la célèbre Karakoram Highway qui remonte vers le nord et la Chine, la chaleur est étouffante. Nous nous arrêtons vers 22 heures dans un hôtel de Besham.
Dès le lever du jour nous repartons, la route suit l'Indus, le paysage est de plus en plus sauvage, les montagnes pelées et ravinées. Dans l'après-midi nous contournons le massif du Nanga Parbat , impressionnant avant-poste de l'Himalaya puis arrivons à un carrefour : nous quittons la Karakoram Highway qui file vers le nord entre les massifs de l'Hindu Kush et du Karakoram et suivons l'Indus qui se faufile vers l'est entre Karakoram et Himalaya. Le fleuve au débit rapide gronde dans des gorges abruptes, la nuit est bien entamée lorsque nous atteignons Skardu, capitale de la province du Baltistan.
Nous y passons une journée, nécessaire pour nous remettre du voyage et compléter les préparatifs. Cette petite ville dominée par la forteresse du Kharphocho est au centre d'une grande plaine irriguée par l'Indus, de nombreux hôtels reçoivent expéditions et trekkeurs, le souk très animé permet de trouver à bon compte équipement de montagne d'occasion et ravitaillement. La spécialité agricole de la région est l'abricot sec, idéal comme vivre de course. L'accueil des habitants est très chaleureux, l'anniversaire de l'ascension du K2 provoque un afflux de touristes qui avaient déserté les parages depuis plusieurs années suite aux guerres états-uniennes.
Le lendemain nous partons en jeep vers le nord. Après avoir traversé la plaine la piste bifurque vers le nord-ouest puis l'est dans une vallée aux parois abruptes, croiser un autre véhicule y est parfois acrobatique avec une roue au-dessus du vide où bouillonne une rivière au flot impétueux. Les glissements de terrain y sont paraît-il fréquents mais nous arrivons sans encombre à Askole en début d'après-midi.
Au matin des dizaines de porteurs se présentent et nos guides passent plus d'une heure à peser et refaire les charges afin de les répartir équitablement, la réglementation fixant un maximum de 25 kg par personne. Nous ne sommes pas au Népal où un porteur porte couramment plus du double.
Nous traversons le village puis remontons le long de la rivière par un bon sentier. En fin de matinée nous passons près de la moraine terminale du glacier de Biafo avant de nous arrêter déjeuner à Korophon, ancien emplacement de camp. Le sentier se rapproche ensuite de la rivière et finit par y disparaître. En période de basses eaux il doit être possible de suivre le lit de la rivière mais pour l'heure une petite escalade est nécessaire afin de rejoindre un autre sentier un peu plus haut, ici la berge est une falaise et le sentier est parfois taillé dans le roc. Après un pont suspendu franchissant un affluent nous arrivons au camp de Jula. Celui-ci a été récemment aménagé avec toilettes et sanitaires mais l'absence totale de végétation rend le couchage pour le moins spartiate.
Le jour suivant nous continuons à remonter la rivière à travers une moraine. En début d'après-midi peu après un gué nous parvenons à Paiju, 3370 m. Ce camp est une sorte d'oasis ombragée, il est prévu d'y passer deux nuits pour commencer l'acclimatation. Le soir nos guides sacrifient une chèvre et une petite fête est organisée par les porteurs. Les villages de Hushe et Shigar se livrent à un duel de chants et danses jusque tard dans la nuit.
Le quatrième jour avant de repartir je m'aperçois qu'on m'a volé mes bâtons de marche. Après avoir longé la rivière nous parvenons à l'endroit d'où elle s'échappe du glacier du Baltoro et nous grimpons sur celui-ci, la progression est pénible car il est particulièrement accidenté et l'itinéraire labyrinthique. Les blocs sont souvent instables et la glace dissimulée sous la pierraille, après trois chutes je rêve de retrouver mon voleur pour le réduire en chair à pâté. Un peu plus loin nous quittons la moraine centrale pour cheminer en bordure sur un sentier plus praticable. Nous passons au pied des tours de Trango, malheureusement les sommets sont dans une épaisse couche de nuages. Le soir nous campons à Urdukas, 4060 m, camp confortablement aménagé sur une pelouse nettement au-dessus du glacier ; le dernier raidillon est éprouvant à cette altitude. Au coucher du soleil les nuages s'écartent enfin pour permettre d'apercevoir les tours.
Le cinquième jour nous progressons au milieu du glacier sans difficulté, le paysage est étrange, le glacier est un gigantesque fleuve minéral entre deux falaises, la glace affleure parfois mais les crevasses sont rares, des champignons de glace au chapeau constitué d'un énorme bloc se dressent çà et là. Le temps est couvert et la température agréable. Le soir nous campons à Gore sur la moraine, l'exercice du jour consistant à remuer les pierres pour tenter d'aplanir un emplacement pour la tente.