Le sixième jour le temps est toujours nuageux et le cheminement sur le glacier quelque peu monotone, nous arrivons à Concordia avant midi. C'est à 4700 m le confluent de trois glaciers importants, un endroit unique sur la planète par l'ampleur des appareils glaciaires et la hauteur des sommets environnants. De nombreuses tentes parsèment le glacier qui a des allures de dépotoir : papiers, boîtes de conserve et étrons jonchent le sol. Nous cherchons un emplacement à peu près plat et pas trop pollué pour y planter les tentes. Le temps est bouché, l'après-midi morne mais le soir la couche de nuages se dissipe et nous pouvons admirer le magnifique panorama qui fait la réputation de cet endroit : autour de nous se dressent le K2 , le Broad Peak et le massif des Gasherbrum.
Le lendemain nous partons faire une excursion vers le camp de base du K2, le temps est superbe et la vue sur cette pyramide magnifique. Après une zone de crevasses un peu complexe nous progressons sur la moraine du glacier Godwin-Austen, passons au camp de base du Broad Peak puis poursuivons vers celui du K2 où nous arrivons vers midi. Comme c'est l'anniversaire de la première ascension du deuxième sommet de la planète les Italiens ont monté une énorme expédition commémorative, le camp est surpeuplé. Dans leur tente-QG il y a une régie vidéo et une liaison internet par satellite, l'occasion d'épater les amis en leur envoyant un courriel de plus de 5000 m d'altitude ! Après déjeuner nous faisons un détour par un éperon de la face sud où se situe à 5200 m un émouvant mémorial dédié aux nombreuses victimes de cette montagne. Au retour nous essuyons une violente averse de neige, heureusement de courte durée. Ce n'est qu'au crépuscule que nous rejoignons notre camp, passablement éprouvés par les 10 heures de marche à haute altitude.
Le matin suivant il neige, nous envisageons de prendre une journée de repos mais en fin de matinée le soleil fait son apparition et nous levons le camp en direction des Gasherbrum, comme il est tard nous campons sur le glacier. Le jour d'après nous allons jusqu'au camp de base des Gasherbrum , sommets jumeaux de plus de 8000 m où s'est illustré Reinhold Messner qui les a enchaînés en compagnie de Hans Kammerlander en une semaine sans redescendre. Après cette rapide excursion nous retournons à Concordia.
Le jour suivant, après un dernier coup d'œil sur le K2 resplendissant au soleil nous remontons le glacier de Vigne, tout d'abord sur la moraine puis sur le glacier lui-même qui est recouvert de neige, heureusement il est presque plat et les crevasses rares. Nous atteignons Ali Camp, 4900 m, à 14 heures, ce qui nous laisse tout l'après-midi pour préparer le matériel pour l'étape suivante et nous reposer.
Après nous être levés à 1 heure et un rapide petit-déjeuner nous traversons le glacier pour arriver au pied du col de Gondogoro. Aux premières lueurs de l'aube la pente se redresse, crampons et piolet sont nécessaires mais les porteurs se contentent d'un bâton et s'accrochent aux cordes fixes qui équipent l'itinéraire. Celui-ci serpente entre crevasses et séracs et passe sous d'énormes corniches menaçantes, alternant rampes à 40° d'inclinaison et traversées. C'est avec soulagement que j'arrive, le souffle court, au Gondogoro La à 5600 m. La vue sur le K2, le Broad Peak et les quatre Gasherbrum est inoubliable mais il faut songer à redescendre. Ce n'est pas une mince affaire : le versant sud est un gigantesque toboggan incliné au départ à 50 degrés, de plus exposé au sud ce qui fait que la neige a fondu puis regelé. Les guides de Hushe maintiennent toute la saison des cordes fixes qui permettent de descendre en sécurité.
Le soir nous campons à Xhuspang, 4600 m, les porteurs célèbrent le succès de l'expédition par des chants.
Il ne nous reste plus qu'à descendre le glacier puis la vallée en redécouvrant peu à peu la végétation, bien agréable après plus d'une semaine dans un univers totalement minéral. Après avoir atteint la piste à Hushe nous poursuivons la descente en jeep, le cuisinier nous invite gentiment à passer une nuit dans son village de Khane où nous faisons la connaissance de sa nombreuse famille.
Pour finir nous roulons jusqu'à Skardu, le confort de l'hôtel est appréciable, nous essayons sans succès d'obtenir des places d'avion pour Islamabad et nous résignons aux deux jours de minibus pour rentrer.